Au Moyen-Orient, la poésie est le langage de l'amour :
par Mohamed Massad
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Bonn – Suite à sa traduction en allemand des Mille et Une nuits qui avait été portée aux nues lors de sa publication, la traductrice et musicienne Claudia Ott s'est intéressée à la poésie du Moyen-Orient dans Gold on Lapis Lazuli (De l'or sur du lapis-lazuli), une anthologie de cent poèmes tirés de trois mille ans de poésie moyen-orientale sur l'amour. Mohamed Massad, correspondant freelance à Qantara.de, s'est entretenu avec Claudia Ott de la beauté et de la diversité de la poésie de cette région.
Votre dernière publication Gold on Lapis Lazuli est un recueil de poèmes; d'où vous est venue l'idée de cet ouvrage?
Claudia Ott: Tout d'abord, pour moi, ce sont les nombreux poèmes contenus dans Les Mille et une Nuits qui ont constitué le coeur du texte.
Malgré l'attrait des histoires, c'est la magie de la poésie qui attire et retient vraiment les auditeurs et les lecteurs, surtout dans le texte original, en arabe.
Il y a longtemps que je voulais publier un ouvrage pour faire honneur à la beauté de la poésie, laquelle est très importante en Orient, et surtout à la poésie de l'amour qui est, après tout, l'un des thèmes centraux de la poésie dans toutes les cultures et, tout particulièrement, dans la culture moyen-orientale. On pourrait presque dire que le langage de l'amour est le langage du Moyen-Orient.
Ensuite, l'éditeur C.H. Beck m'a demandé d'écrire Gold on Lapis Lazuli - les cent plus beaux poèmes d'amour orientaux pour faire partie de la série Les cent plus beaux.... La série comprend des titres tels que Les cent plus belles prières de l'humanité et Les cent plus populaires poèmes allemands.
D'ailleurs, le titre Gold on Lapis Lazuli vient d'un poème arabo-andalou qui décrit le scintillement des étoiles dans un ciel bleu-nuit. On retrouve cette métaphore dans un poème d'amour de l'Egypte ancienne et encore, bien sûr, dans Les Mille et Une nuits.
Selon quels critères avez-vous choisi les cent plus beaux poèmes orientaux?
Chacune des quatorze sections thématiques contient une sélection de poèmes de toutes les époques. Naturellement, il s'agit d'une sélection subjective. Certains poèmes sont devenus importants pour moi au cours de mes études ou des années que j'ai passées au Moyen-Orient, tandis que d'autres sont rattachés à des rencontres et à des expériences personnelles. Certains y figurent simplement parce qu'ils me plaisent. Et puis, il y a les poèmes qu'il était impératif d'inclure car trop connus pour ne pas figurer dans un tel recueil.
J'ai choisi des poèmes dans sept langues différentes, de ce fait je ne les ai pas tous traduits. En fait, je n'en ai traduit que quelques-uns. Ma principale contribution est une brève histoire des traductions et adaptations des langues orientales faites par des auteurs comme Martin Luther, Johann Wolfgang von Goethe, Friedrich Rückert ou Annemarie Schimmel jusqu'à des oeuvres plus récentes de personnes comme le poète kurde Adel Karasholi ou le poète et essayiste turc Zafer Senocak.
Malgré l'intérêt manifeste, le nombre de traductions en allemand de textes extraits de la littérature arabe est encore relativement modeste. Comment expliquez-vous cela et comment y remédier?
Malheureusement, les ouvrages politiques dominent actuellement le marché et influencent la façon dont les gens perçoivent le Moyen-Orient moderne.
Il y a bien plus de livres sur le Moyen-Orient que de traductions de textes de la littérature arabe (perse, turque, ou afghane...). Il semble que le phénomène soit semblable pour ce qui est de l'intérêt porté à la littérature.
Alors que nous lisons un livre en anglais, en français, ou en russe parce que nous voulons lire un bon livre, nous lisons des livres des pays arabes parce que nous voulons trouver quelque chose au sujet du monde arabe.
Pourquoi est-ce ainsi? Je l'ignore, mais on peut certainement établir un lien avec la situation politiquement chargée qui règne au Moyen-Orient. J'aimerais que la littérature arabe attire davantage de lecteurs car elle mérite sans aucun doute une plus grande reconnaissance!
Selon vous, quel rôle joue la traduction littéraire dans le rapprochement des cultures?
Un rôle déterminant. L'importance des traducteurs et de leur travail pour le dialogue d'une littérature à l'autre a été rendue claire lors du forum des auteurs qui s'est tenu à Dubaï l'an dernier. Beaucoup a été dit et continue d'être dit à ce sujet.
La traduction requiert une véritable relation de coopération et un intérêt mutuel de la part des personnes concernées. Pourtant, malheureusement, nous nous heurtons encore trop souvent à une attitude suffisante et assez arrogante de la part de l'actuel Establishment littéraire européen. La formation des traducteurs littéraires de langues orientales a certainement besoin d'être intensifiée et élargie. Ceux-ci sont encore trop peu nombreux.
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* Mohamed Massad est collaborateur freelance à Qantara.de. Claudia Ott est maître-assistante à l'Institut des langues et cultures non-européennes de l'université de Erlangen-Nuremberg. Article abrégé, distribué par le Service de Presse de Common Ground (CGNews), avec l'autorisation de Qantara.de. Le texte dans sa version intégrale se trouve sur www.qantara.de.
Source: Qantara.de, 30 avril 2009, www.qantara.de
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