La vie d’Ahmad Shah Massoud I - L’apprentissage Au début des années 70, il rejoint les mouvements islamistes (en 1973, il tente de rallier des officiers à la cause islamiste) qui, à partir de 1974, doivent faire face à la répression orchestrée par le régime Daoud. A l’instar d’un grand nombre de dirigeants islamistes, Ahmad Shah Massoud prend le chemin du Pakistan. Il retourne en Afghanistan en juillet 1975 pour participer à la tentative de coup d’Etat. Avec 37 hommes, il se voit attribuer son Panjsher natal comme zone d’action. Dans la nuit du 21 au 22 juillet 1975, il s’empare du poste de Rokha situé dans la partie centrale de la vallée (deux autres groupes s’occupaient du haut et du bas de la vallée). Mais, au petit matin, la population locale prend les islamistes pour des brigands, appelle l’armée à la rescousse et s’allie à elle pour les chasser. Massoud et ses hommes prennent la fuite et trouvent refuge au Pakistan. Pratiquement inexpérimenté, Ahmad Shah Massoud va, entre 1980 et 1982, jeter les bases de l’organisation et peaufiner la tactique militaire qui allait construire sa légende. Dans un premier temps il met en pratique les tactiques de guérilla de Giap, Ho Chi Minh ou de Sun Zi, apprises en autodidacte, en harcelant les convois soviétiques qui ralliaient Kaboul par la route de Salang. Il a appris qu’il ne fallait pas affronter de face une ennemi supérieur, mais qu’il est préférable de le laisser pénétrer à l’intérieur de ses lignes de défense pour mieux l’isoler de ses lignes arrières. Rapidement, ses succès ont attiré l’attention de l’état major soviétique qui lança six opérations sur le Panjsher entre 1980 et 1983. Les soviétiques préparaient, pour avril 1984, une offensive d’envergure sur le Panjsher alors que la trêve conclue avec Massoud l’année précédente touchait à sa fin (Massoud n’avait pas souhaité la proroger). Ce dernier, averti de l’imminence des bombardements par ses espions, ordonne l’évacuation des villageois vivant à l’entrée et dans la partie basse de la vallée. Le 19 avril il tend une embuscade à un convoi de carburant qui empruntait la route de Salang. 70 camions furent détruits. Il fait sauter deux ponts avant d’organiser, le 20 avril, le repli de ses 5 000 combattants dans les montagnes ou les vallées avoisinantes. Au même moment la vallée est soumise à un terrible bombardement aérien. 36 bombardiers à haute altitude TU-16 Badger déversent un tapis de bombe sur le Panjsher, secondés par des chasseurs-bombardiers Su-24 Fencer, spécialisés dans l’attaque de villages à la bombe incendiaire de 500 kg, des Su-25 Frogfoot ainsi que toute la panoplie des hélicoptères soviétiques. Ce dispositif aérien est piloté depuis des Antonov An-12 transformés en QG volants. Les bombardements sont le prélude à une offensive terrestre dans laquelle les soviétiques engagent 20.000 soldats, dont 5000 Afghans. Entre le 22 et le 30 avril, les colonnes blindées soviétiques s’avancent jusqu’à Khenj. Elles ont parcouru 60 km en 8 jours. Des mines et des attaques sur leurs flancs ralentissent la progression soviétique appuyée par des unités héliportées. L’une d’entre elles est envoyée en amont à Dash-i-Ravat. Mais, coupé de sa base arrière (Dash-i-Ravat est à 20 km de Khenj), elle est taillée en pièces par les moudjahidin. Jusqu’au 7 mai, les soviétiques et l’armée afghane essaient de prendre au piège les hommes du commandant Massoud en progressant dans les vallées voisines. Mais, ne parvenant pas à leurs fins, ils abandonnent le Panjsher et les vallées voisines, tout laissant des troupes afghanes dans des positions fortifiées à Anawa, Rokha, Bazarak et Pechgur. Vers 1983-1984, Ahmad Shah Massoud abandonne les actions coup de poing pour adopter une stratégie plus offensive, organisée autour d’unités mobiles professionnelles, dont le but était d’éparpiller les troupes soviétiques sur plusieurs fronts. L’attaque contre le fort de Pechgur en 1985 lui permet de tester la coordination et l’efficacité de ses hommes qui allaient porter la guerre en dehors du Panjsher. Le camp de Pechgur était protégé par des chars d’assaut (dont certains étaient enterrés), des obusiers (efficaces pour déloger les assaillants retranchés dans les montagnes entourant le fort), des mines, un réseau de barbelés et des sacs de sable. Il était défendu par 500 soldats de l’armée afghane. A peu près autant de moudjahidin furent impliqués dans cette opération qui débuta au crépuscule (pour éviter les redoutables hélicoptères de combat soviétiques). Tout d’abord le pilonnage fut concentré sur les émetteurs radio et les routes de ravitaillement afin d’isoler le fort. Ensuite, une fois ces premiers objectifs neutralisés, les moudjahidin s’attaquèrent aux 10 postes avancés qui entouraient le fort. Puis, l’artillerie lourde visa le fort qui tint jusque tard dans la nuit. Les défenses ainsi prises à revers, les hommes du commandant Massoud purent ouvrir une brèche. 110 soldats furent faits prisonniers (ils moururent aux mains des moudjahidin lors d’une contre offensive soviétiques). Massoud, ayant prouvé sa capacité d’action, abandonna le fort. Quelques semaines après cette démonstration, les Soviétiques lancèrent en représailles l’offensive Panshir 9. Fort de cette maîtrise tactique et sûr de l’efficacité de ses hommes, Ahmad Shah Massoud entreprend de sortir de sa base du Panjsher. En 1986 il remporte des victoires probantes à Farkhar (province de Takhar) et Nahrin (province de Baghlan). Il continue à étendre son influence hors du Panjsher en 1987 grâce à la création de la Shura-i Nazar (Conseil de supervision) qui accueillit des commandants locaux de tous bords, transcendant la logique des partis. L’objectif de la Shura était de fédérer des commandants afin de mener des opérations de plus grande envergure. En même temps, la Shura permit à Massoud de lutter plus efficacement contre Gulbuldin Hekmatuyar qui ne se privait pas d’attaquer ses positions (En septembre 1981, le commandant Massoud dut affronter en même temps une offensive soviétique et les combattants d’Hekmatyar). Ce Conseil de supervision, outre ses fonctions militaires, se doublait d’une fonction administrative, recréant ainsi un semblant de structure étatique. En 1990, il tenta d’aller plus loin en créant, avec les commandants Jalalouddine Haqqani (Hezb-i Islami faction Khales) et Bilal Nayram, le Conseil des commandants. La création de cet organe répondait à l’incapacité des responsables politiques des partis à s’entendre en vue de prendre le pouvoir après le départ des soviétiques. Le Conseil des Commandants ouvrit une représentation à Peshawar. Son bureau politique fut dirigé par Younous Qanouni, un proche du commandant Massoud qui fut aussi le porte parole attitré du Conseil. Néanmoins, son influence ne pénétra que modestement dans le sud et l’ouest du pays (en dépit de la présence d’Ismaël Khan). De plus, les chiites hazaras ne souhaitèrent pas adhérer à cette nouvelle structure. Néanmoins, Ahmad Shah Massoud étendit son influence aux provinces de Badakhshan, Kunduz, Takhar, Baghlan, Balkh et Samangan. Il pouvait aborder en position de force la fin du règne du président communiste Najibullah. A - Première bataille de Kaboul Dans la course qui s’engageait pour être sacré Fateh-i Kaboul (libérateur de Kaboul), Massoud bénéficia de l’appui décisif de Rachid Dostom qui rallia la Shura-i-Nazar. Son adversaire se nommait Gulbuldin Hekmatyar. Ce dernier lance une offensive dans la nuit du 24 au 25 avril depuis ses positions du Logar en dépit de la signature des Accords de Peshawar le 24 au soir qui lui garantissaient le poste de Premier ministre pour une durée de 6 mois. Face à cette offensive, le tout jeune gouvernement moudjahidin décide de créer un Conseil pour la sécurité de Kaboul, composé de commandants de 6 partis (Massoud pour le Jamiat, Abdoul Haq pour le Hezb-i Islami faction Khales, Didar pour le Jabha, Haji Cher-Alam pour l’Ittihad, le Mawlaoui Seddiqullah pour le Harakat, et ,enfin, Chah Rokh pour le Mahaz), et placé sous la direction d’Ahmad Shah Massoud, ministre de la Défense en titre. Grâce au pont aérien mis en place par Rachid Dostom, les troupes gouvernementales parviennent à repousser le Hezb-i Islami le 26 avril au soir (le général Baba Jan joua aussi un rôle important aux côtés des forces gouvernementales). Ahmad Shah Massoud venait de remporter la première bataille de Kaboul, six autres allaient suivre. B - Deuxième bataille de Kaboul Le 10 août 1992, pour manifester sa désapprobation face au maintien des combattants du Jumbesh-i Melli de Rachid Dostom à Kaboul, Gulbuldin Hekmatyar lança une offensive sur la capitale qui prit fin le 23 août par la conclusion d’un cessez le feu (applicable le 29 août). L’efficacité des miliciens de Dostom (surnommés les nettoyeurs) avait une nouvelle fois encore permis d’enrayer la tentative du Hezb-i Islami. Ces combats firent 2 400 morts et 9 000 blessés. Ils provoquèrent la fuite de milliers de Kaboulis, ainsi que la fermeture des principales représentions diplomatiques. C - Troisième bataille de Kaboul La décision du président Rabbani de proroger son mandat déclencha les hostilités dans la capitale. Le 5 décembre 1992, les combattants du Jamiat et de l’Ittihad affrontèrent le Hezb-i Wahdat pour le contrôle des quartiers ouest de la ville. Le 9 décembre, en réponse à de violents affrontements ayant opposé ses hommes à ceux du commandant Massoud dans la zone de l’aéroport, Rachid Dostom bombarda le ministère de la Défense. Grâce à la complicité de Dostom, le Hezb-i Islami pu s’emparer du fort de Bala-Hissar, une position stratégique située à l’intérieur de la ville. Le 19 janvier, Massoud entreprit de repousser le Hezb-i Islami hors de la capitale avec l’aide de Rasul Sayyaf et du général Baba Jan. Le Hezb-i Islami contre-attaqua et s’empara de Chehl-Setoune. Dostom resta neutre, alors que le Hezb-i Wahdat tenta de profiter de la situation pour renforcer ses positions dans les quartiers ouest de Kaboul. La troisième bataille se termina par un cessez le feu informel qui entra en vigueur le 15 février 1993. Le 7 mars, à l’instigation de l’Arabie Saoudite et du Pakistan, les leaders des différents partis parvinrent à s’entendre pour ramener la paix en Afghanistan. Hekmatyar accepta de reconnaître la légitimité du président Rabbani (élu de manière contestable le 29 décembre 1992) mais, en contre partie, obtint le renvoi d’Ahmad Shah Massoud du ministère de la Défense sans que celui-ci ne fut consulté par Rabbani sur la question. Une commission, formée d’un membre du Hezb-i Islami et d’un représentant du Jamiat-i- Islami (Younous Qanooni en l’occurrence), prit la direction du ministère. Mais ces accords ne contentaient pas les autres partis. D’une part le Jumbesh de Dostom n’avait pas été convié aux négociations, d’autre part, la question de la légitimité du président Rabbani n’était pas résolue malgré les apparences. D - Quatrième bataille de Kaboul En outre, les résultats militaires de la troisième bataille de Kaboul ne satisfaisaient personne. Massoud souhaitait reprendre le terrain cédé au Hezb-i Islami. Rasul Sayyaf voulait en découdre avec les chiites du Hezb-i Wahdat qui avaient eux aussi bénéficié des combats précédents pour renforcer leurs positions dans la capitale. C’est sans réelle surprise que les affrontements reprirent en mai 1993. Ils débordèrent le cadre de la capitale à l’automne 1993 avec des affrontements à Tagab et Najrab (province de Kapisa) et à Sarobi. La quatrième bataille de Kaboul se solda par un statu quo sur le plan militaire. Mais, elle allait se révéler d’une grande importance politique. En effet, alors que Rachid Dostom était resté neutre jusqu’à présent, Massoud décida d’attaquer, début novembre, le port fluvial de Sher Khan Bandar (province de Kunduz) défendu par des combattants du Jumbesh. Pourquoi cette attaque ? Assem Akram avance plusieurs explications dans son ouvrage magistral Histoire de la guerre d’Afghanistan. Tout d’abord, il évoque la rivalité des deux hommes exacerbée par la lutte qu’ils se livraient pour le contrôle des provinces du nord. Dostom avait réussi à supplanter Massoud dans six provinces (Baghlan, Samangan, Jowzjan, Balkh, Sar-i Pul et Faryab), rendant impossible toute continuité géographique avec Ismaël Khan (qui affrontait Dostom pour le contrôle de Maymana à cette période) à l’ouest. De plus, Dostom s’était rapproché du président Rabbani au point que ce dernier confia au général ouzbek la garde du présidentiel lorsqu’il se rendit en visite en Arabie Saoudite. Rabbani cherchait sans doute à contre balancer la puissance militaire du commandant Massoud en se rapprochant d’un autre poids lourd militaire. Ahmad Shah Massoud sentit le danger et décida donc de passer à l’offensive à Sher Khan Bandar afin de forcer Rabbani à faire un choix entre les deux hommes. Mais, sous la pression du président Rabbani, il remit la ville conquise au Jumbesh. Dès lors, selon Assem Akran, qui a vécu ces événements de l’intérieur, Massoud et Ismaël Khan décidèrent d’évincer Dostom du nord du pays. D - Cinquième bataille de Kaboul Elle débute le 1er janvier 1994 par une attaque surprise du général Dostom sur le palais présidentiel. Dostom, ayant eu vent des intentions de Massoud et d’Ismaël Khan, décida de passer à l’offensive. Ses hommes furent stoppés par la contre offensive du Jamiat et de l’Ittihad de Rasul Sayyaf. Rapidement Gulbuldin Hekmatyar se rangea aux côtés de Dostom pour former le Conseil supérieur de coordination de la révolution islamique d’Afghanistan. Le Jabha-i Melli et le Hezb-i Wahdat décidèrent de soutenir les revendications politiques du Conseil – démission de Rabbani, désignation d’un nouveau gouvernement de transition -, laissant le soin au Jumbesh et au Hezb-i Islami de mener les opérations militaires. Le gouvernement se vit renforcer par le Hezb-i Islami faction Khales et par le Harakat-i Enqelab. Les combats s’enlisèrent au bout de quelques jours. Les civils payèrent le prix fort. On déplora un millier de morts pour le mois de janvier, et 200 000 kaboulis quittèrent la capitale. Le chaos régna à Kaboul jusqu’au printemps suivant marqué par l’arrivée des Taliban. E - Sixième bataille de Kaboul Dans un premier temps les Taliban liquidèrent les positions du Hezb-i Islami. Les forces gouvernementales contrôlaient alors 80 % de la capitale. Massoud profita de cette situation pour attaquer le Hezb-i Wahdat coincé entre les Taliban et ses hommes. Entre le 6 et le 14 mars 1995 il parvint, avec l’aide des hommes de Rasul Sayyaf et du Harakat-i Islami, à éliminer le Hezb-i Wahdat de la capitale, et à repousser les Taliban à une vingtaine de kilomètres de celle-ci. Pour la première fois les troupes gouvernementales étaient maîtres de Kaboul, une capitale pillée et quasi détruite. Mais très vite un autre ennemi allait surgir de l’ombre. F - Septième bataille de Kaboul Après avoir conquis Hérat en septembre 1995, les Taliban se focalisèrent sur la capitale. Dès le mois suivant ils lancèrent une grande offensive qui leur permit de s’emparer de certaines hauteurs surplombant la ville qui était à nouveau sous la menace de tirs de roquettes. Massoud tint près d’un an avant de donner l’ordre de quitter la ville qui fut prise par les Taliban le 26 septembre 1996. Ahmad Shah Massoud est encore aujourd’hui critiqué (en témoignent les questions qui lui furent posées lors de sa conférence de presse au Méridien Montparnasse le 4 avril 2001). Les reproches sont nombreux, parfois justifiés, souvent teintés de " il n’y avait qu’à ". Ahmad Shah Massoud est notamment critiqué en raison de son attitude passive envers les agissements de Rasul Sayyaf. Entre mai et juin 1992, les frictions se cristallisèrent, entre les partis issus de la résistance, autour de l’attribution du ministère de la Sécurité nationale, héritier du Khad, les services secrets du régime communiste. Outre ses attributions, ce ministère bénéficiait de larges crédits, ce qui en faisait une proie convoitée par tous les partis et certaines puissance étrangères désireuses de s’emparer des dossiers secrets constitués par le régime communiste. Le commandant Massoud, qui contrôlait déjà le ministère de la Défense et le conseil de sécurité de Kaboul, chercha à placer un de ses fidèles à la tête du ministère. Toutefois, le général Yahya Nawroz (Harakat-i Enqelab) avait été désigné par les Accords de Peshawar du 24 avril 1992. Cependant, les combattants du commandant Massoud l’empêchèrent de prendre ses fonctions. Mais la donne changea lorsque le Hezb-i Wahdat décida de rejoindre le gouvernement intérimaire (il n’avait pas signé les accords de Peshawar, se réservant la possibilité de les ratifier plus tard). Dès lors, il devint nécessaire de leur faire une place au sein du gouvernement. Le président Mojaddedi décida de leur attribuer le ministère de la Sécurité nationale qui échappait ainsi au commandant Massoud. Néanmoins, le général Khoda-é-Dad Hazara ne pu lui non plus pas prendre son ministère qui était alors aux mains des hommes d’Ahmed Shah, le ministre de l’Intérieur, affilié à l’Ittihad-i Islami. La situation ne pouvait que déboucher sur des affrontement armés entre deux partis qui se vouaient une haine profonde. Les combats débutèrent le 3 juin 1992. Si l’on se fie à l’organigramme alors en vigueur à cette époque, il revenait au commandant Massoud en tant que ministre de la Défense, et à son bras droit le docteur Abdurrahmane (chef du Conseil de sécurité de Kaboul), de faire appliquer la décision du président reconnu, à savoir permettre au général Khoda-é-Dad Hazara de prendre ses fonctions. Il n’en fut rien. Les combats ensanglantèrent la capitale jusqu’au 26 juin, date à laquelle le Hezb-i Wahdat parvint à installer son homme lige au poste de ministre de la sécurité nationale (Khoda-é-Dad Hazara est aujourd’hui affilié aux Taliban pour le compte desquels il tente de rallier la communauté hazara à la cause des Taliban). Le deuxième acte fut plus tragique. Il se déroula le 13 février 1993, et eut pour théâtre le quartier chiite d’Afchar Mina. Depuis le 19 janvier, les hommes du commandant Massoud, soutenus par ceux de Rasul Sayyaf, tentaient de déloger le Hezb-i Islami de ses positions kaboulies à partir desquelles partaient un pluie quotidienne de roquettes. Après une première avancée victorieuse, Massoud dut faire face à une violente contre-offensive orchestrée par Gulbuldin Hekmatyar alors que le Hezb-i Wahdat cherchait à progresser par l’ouest. Mais, le parti de l’Unité islamique fut repoussé par l’effort conjoint des combattants de la Shura-i Nazar de Massoud et de l’Ittihad-i Islami de Rasul Sayyaf qui réussirent à pénétrer dans le quartier d’Afchar-Mina où des hommes du commandant Massoud soudoyés par Rasul Sayyaf se livrèrent au massacre de centaines de civils chiites, principalement des enfants, des femmes et des vieillards. Dans un article paru dans l’Express du 14 janvier 1999 le commandant Massoud affirmait ne rien savoir sur ce qui s’était passé à Afchar-Mina le 13 février 1993. En petits comités, Massoud maudissait Sayyaf, mais il ne pouvait le condamner publiquement pour des raisons politiques et militaires. Dans un autre registre, le commandant Massoud est considéré comme un piètre homme politique en Occident. Certes, il a soutenu envers et contre tout le président Rabbani alors que ce dernier n’a pas hésité à utiliser Dostom ou Hekmatyar pour le ramener dans son giron et servir ses intérêts (il l’a ainsi démis de ses fonctions de ministre de la défense pour satisfaire Hekmatyar). Légaliste selon les uns, peu doué pour la chose politique selon les autres Massoud n’a pas su ou voulu se rapprocher du président Mojadeddi alors qu’une alliance a été possible à un moment donné. Qu’aurait-elle changé ? Mojaddedi dirigeait un parti pachtoun conservateur d’obédience royalistes. Les deux hommes auraient pu proposer une alternative modérée aux personnages plus radicaux (Rabbani, Hekmatyar et Sayyaf) et entraîner dans leur sillage les tradi-modérés pachtoun. Il est difficile à dire si un revirement de Massoud aurait permis de changer la donne dans une ville qui accueillaient depuis le 20 avril 1992 tous les détenus de la prison de Pul-i Charki récemment libérés. Pour la plupart ils se retrouvèrent dans une ville où les armes circulaient à profusion, et ou les services de police étaient inexistants. Dans un tel contexte, il était pratiquement impossible au commandant Massoud de ramener l’ordre dans la capitale, d’autant plus que le soutien pakistanais rendait Hekmatyar intransigeant. Massoud a démontré qu’il était un organisateur hors pair, aussi doué pour la politique (création du Conseil des commandants en 1990) que pour la stratégie militaire. Néanmoins, il ne s’est pas adapté à la situation de Kaboul, pas assez vénal pour réussir au milieu des requins assoiffés de pouvoir et dont les ambitions et les moyens étaient renforcées par des soutiens étrangers. Favorable à un régime démocratique respectueux des droit de l’homme et représentatif de tous les afghans, Ahmad Shah Massoud n’a pas eu le temps de mettre en place un programme politique. Il n’a jamais bénéficié d’une stabilité intérieure suffisante pour imposer sa vision moderne de l’Afghanistan à une société profondément traditionaliste. Ahmad Shah Massoud est né en 1953 à Jangalak, petite localité de la vallée du Panjsher, dans une famille de notables (son père était colonel dans l’armée afghane). Il passe une partie de son enfance à Kaboul (où il fut voisin du futur président communiste Najibullah) puis il intègre le lycée français Istiqlâl. Par la suite, il s’inscrit au Lycée polytechnique de Kaboul pour suivre des études d’architecte qu’il ne terminera pas.
L’année suivante, Hekmatyar l’accuse d’avoir trahi le mouvement islamiste. Pour étayer ses accusations, il s'appuie sur les aveux d’un proche de Massoud (Jân Mohammad qui sera assassiné plus tard par Hekmatyar) obtenus sous la torture. Massoud est arrêté mais parvient à échapper à la mort.
On le retrouve en 1978 dans la province de Kunar qui fut la première à prendre les armes contre les communistes. Il se signale ensuite dans le Nouristan où il adopte le pakol, la coiffe typique de cette région. En 1979, il rejoint le Panjsher où il se débarrasse des groupes maoïstes rivaux, avant de devenir la figure la plus connue des Moudjahidin en Occident.
II - Organisation et tactique : les années de lutte contre les Soviétiques Outre son génie militaire, Massoud fait preuve d’aptitudes pour l’organisation. Assez rapidement il met en place une armée régulière dotée d’une chaîne de commandement structurée, et d’unités mobiles. De plus, il organise un réseau de renseignement de premier plan (du simple citoyen aux généraux afghans et soviétiques). Cette organisation est illustrée par le déroulement de l’offensive Panjsher 7.
III - Les années de pouvoir
I V - Bilan de quatre années de pouvoir Sa finesse politique et sa stature unique sur la scène afghane et internationale sont indiscutables. Il est parvenu à rassembler autour de lui ses anciens ennemis. Le fier général Dostom s’est mis en début d’année 2001 à son service. Il a accepté de reprendre la lutte sous les ordres du commandant Massoud dans une région de la province de Balkh où sa seule issue est de combattre ou de mourir. Au temps de sa splendeur, Dostom dirigeait un véritable état à la manière d’un prince des Mille et une nuits. Il menait ses opérations depuis son château de la périphérie de Mazar-i Sharif. Aujourd’hui il vit dans une modeste maison et dépend des hélicoptères du commandant Massoud et les choses devaient mal tourner pour lui. Le retour de Karim Kahlili, le leader du Hezb-i Waahdat, s’est fait dans les même conditions.
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